Imaginaires mutant / présentation

Ce monde n’est pas seulement spectacle mais problème et tâche, matière à œuvrer;
il est le monde pour le projet et l’action.
Paul Ricoeur, Philosophie de la Volonté, 1949, p.198

Le monde que vous avez créé pour régner dessus comme des minables est irrespirable.
On se lève et on se casse. C’est terminé. On se lève. On se casse.
Virginie Despentes, Césars : désormais on se lève et on se barre, tribune dans Libé, 1er mars 2020

 

Travail, genre, écologie, santé… la crise multi-factorielle que traversent nos démocraties fait monter chez nombre d’entre nous l’envie de bifurquer. Elle se traduit dans une transformation de nos manières d’habiter, de se définir comme personne et de faire monde en commun.

La transition écologique requiert une transformation sociale. La transformation sociale implique une mutation des imaginaires.

C’est sous ce triple signe que les Lieux Intermédiaires & Indépendants (Liis) appellent à tenir leur 4e forum. Comment habiter la bifurcation ? comment œuvrer en habitant.e.s ? Comment défricher autant de nouvelles formes de vie que de nouvelles formes d’art ?

Durant trois jours, la CNLII, Coordination Nationale des Lieux Intermédiaires et Indépendants, invite les acteur.rice.s, les lieux, les réseaux régionaux et nationaux du tiers-secteur, des communs, des tiers-lieux, de l’art et de la culture, de l’économie sociale et solidaire, de l’accompagnement, de l’éducation populaire et du développement local, les chercheur.euse.s, les partenaires publics, les collectivités publiques et toutes les personnes intéressées à partager leurs expériences, leurs travaux sur ces sujets et à en débattre ensemble.

Le 4e forum national des Lieux Intermédiaires et Indépendants se tiendra au 37e Parallèle, à Tours du 02 au 04 décembre 2022.

Il se donne pour objet de réunir et de partager des ressources pour la co-construction d’une politique intégrant l’art et la culture comme vecteur de développement, dans une perspective de bifurcation écologique impliquant une transformation sociale et une mutation de nos imaginaires.

 

ARGUMENT

Les Lieux Intermédiaires & Indépendants

Nés dans les années 80, à travers le mouvement des friches culturelles (le Confort Moderne est fondé à Poitiers en 1984), les Lieux Intermédiaires et Indépendants (LIIs) sont des espaces de pratiques artistiques et culturelles initiés et portés par des collectifs d’artistes et d’habitant.e.s. A but non lucratif, ils partagent les valeurs de l’économie solidaire et sociale et participent de la mise en œuvre des droits culturels des personnes. Ils sont présents sur l’ensemble du territoire national, aussi bien en milieu urbain, péri-urbain que rural. A la différence des institutions culturelles classiques, ils combinent de multiples fonctions en leur sein (création, production, diffusion, médiation, formation…). « Les espaces intermédiaires associent ce qui est habituellement dissocié (arts et fonctions) au sein d’un même espace de travail, dans une dynamique d’intelligence collective » disait Franck Bauchard en 2001, alors inspecteur de la DMDTS, au ministère de la Culture.

Les LIIs s’organisent à l’usage, depuis des formes collégiales et coopératives qui les distinguent du secteur public comme du secteur privé : ils constituent ainsi des commun(s) spatiaux et culturels (cf 3e forum national, CNLII) qui accompagnent les mutations à l’œuvre dans la manière de vivre et d’habiter de nos concitoyen.ne.s. On peut les qualifier de pratiques d’occupations d’espaces en communs structurés par la question du rapport à l’ouvrage.

L’appellation « Tiers-lieux »

On a donné au fil des années bien des noms à ces espaces/projets : lieux culturels indépendants, friches culturelles, squarts, Nouveaux Territoires de l’Art, fabriques artistiques, artist run space

Au début des années 2010, en même temps que les lieux se multiplient et les pratiques se diffusent dans d’autres champs d’activités, une nouvelle manière de dire apparaît : le Tiers-Lieux1.

L’appellation est issue de travaux d’acteurs impliqués dans la révolution numérique, proches du mouvement du libre, de l’opensource, des milieux hacker/maker… Le premier lieu à se désigner comme tel en France, Le Comptoir Numérique, est inauguré en 2010 à Saint-Etienne (cf « Etude de la configuration en tiers-lieux », thèse d’Antoine Burret, 2017). « Le concept de Tiers-Lieux a été progressivement adopté en France (et plus largement dans la francophonie) entre 2010 et 2015 pour designer des espaces de rencontres et de pratiques – comme les espaces de coworking, les fablabs & hackerspaces… – qui favorisent l’hybridation. » (in Aux origines des tiers-lieux, Movilab).

Cette appellation a remporté un succès d’estime auprès des secteurs publics et privés, dont le développement du coworking et du travail à distance semble le moteur principal, et qu’on peut rattacher à l’ambition portée par les Tiers-lieux d’accompagner une transformation du rapport au travail.

Vers une histoire des pratiques spatiales

Pour autant, l’intérêt suscité par l’appellation « Tiers-lieux » ne doit pas effacer l’histoire de ces pratiques d’occupation d’espaces et leur enracinement dans des enjeux de mutations culturelles, de transformations sociales et d’expérimentations politiques. Les Lieux Intermédiaires & Indépendants, à travers leur spécificité artistique et culturelle, portent cette mémoire au sein de la grande famille des tiers-lieux : au titre de pionniers et d’inspirateurs, d’abord ; en tant qu’ils représentent des tiers-lieux œuvrant dans le champ culturel, ensuite ; parce qu’ils se sont explicitement situés dans le champs des communs, enfin.

Des années 80 à nos jours, l’histoire longue des LIIs inscrit leur agir dans des expérimentations où le processus est plus important que le résultat et qui mêlent des dynamiques de transformations sociale, de rénovation urbaine et de création artistique. Or, lorsqu’on parle de tiers-lieux aujourd’hui, on entend beaucoup les mots : innovation, entrepreneuriat, co-working, stratégies foncières, économie… mais les mots « art » et « culture », assez peu.

L’écart se creuserait-il entre le référentiel que produit la mise en politique publique des tiers-lieux aujourd’hui et celui dont les LIIs se sont dotés eux-mêmes (cf référentiel de la CNLII ici) ? De cette inflexion sensible dans les discours qu’agrège le moment tiers-lieux, pointons quelques traits saillants qui feront l’objet des débats du 4e forum :

  • la valorisation systématique de la dimension entrepreneuriale des pratiques,
  • la reformulation de la question culturelle en terme d’« offres artistiques et culturelles », de « demande » et de « publics »,
  • la resignification du terme « culture » depuis des enjeux d’aménagement urbain et de marketing territorial,
  • une approche des tiers-lieux par l’offre de service, par les usagers, par les publics (là où les LIIs insistent sur les usages, les droits des personnes et l’en commun).
Quelle place pour la culture dans le moment tiers-lieux ?

Quelle est la place de l’art et de la culture dans le « moment Tiers-lieux » ? De quelle manière les Lieux Intermédiaires et Indépendants en particulier, les acteurs du tiers-secteur et des communs en général, se rapportent-ils à cette appellation « Tiers-lieux » ? Quelles expériences peuvent-ils partager, transmettre, et comment les politiques de développement « Tiers-lieux » peuvent-elles les nourrir, soutenir leur pérennisation et leur développement ? A quels défis et enjeux font-ils face aujourd’hui ?

Les Tiers-lieux suscitent ces dernières années un grand intérêt de la part des acteurs privés et publics. Si l’appellation Tiers-lieux est récente (2010), l’art et la culture ont joué un rôle fondateur et qui demeure essentiel au sein de ces pratiques d’occupation d’espaces. C’est ce qu’incarne la famille des « lieux intermédiaires ».

Dans le même temps, la doctrine en matière de politiques culturelles passait de l’art comme levier de transformation sociale à la culture comme outil de développement des territoires pour aboutir aux industries créatives et à l’innovation sociale.

A l’aune de ces évolutions, faut-il repenser nos lieux dans la perspective de construire une nouvelle « offre de services culturels » ? Ou faut-il plutôt les considérer comme des espaces communs où s’inventent nos cultures à venir ?

Le sujet est d’importance, puisqu’un tiers des tiers-lieux situe son action dans le champ culturel (d’après le dernier rapport de France tiers-lieux, sur plus de 700 lieux répondants, 27% des tiers-lieux se définissent comme « laboratoire artistique, friche culturelle, lieux intermédiaires »).

Durant trois jours, nous, lieux intermédiaires et indépendants, invitons les réseaux, fédérations régionales et nationales du tiers-secteur, des communs, des tiers-lieux, de l’art et de la culture, de l’économie sociale et solidaire, les acteurs de l’accompagnement, les partenaires publics, les collectivités porteuses de politiques « tiers-lieux », à partager leurs expériences, leurs travaux sur ces sujets et à débattre en public de la place de la culture dans le moment tiers-lieux.

Le 4e Forum National a pour objet de réunir et de partager des ressources pour la co-construction d’une politique intégrant l’art et la culture comme vecteur de développement, dans une triple perspective de transition écologique, de transformation sociale et de mutation de nos imaginaires.

1 « “Faire tiers-lieux” renvoie à la fois aux usages et pratiques d’un espace (“lieux”) par des personnes (“tiers”), aux processus qui régissent aussi bien cet espace (“lieux”) que les interactions qui s’y déploient (“tiers-lieux”), et enfin à une pluralité d’héritages théoriques et pratiques qui, par leurs croisements, hybridations et diversités permettent l’émergence de configurations sociales particulières. », nous apprend Rieul Techer dans « politiques des communs ».

METHODE DE TRAVAIL

Le 4e forum est porté par les membres de la CNLII.

Il est co-organisé par :

  • le 37è parallèle, fabuleuse manufacture de spectacles vivants ;

  • Aliice, le réseau des lieux intermédiaires en région Centre ;

  • Artfactories/autreparts, centre de ressources et plateforme de réflexion arts/territoires/société, qui assume la fonction de cheville œuvrière de la CNLII.

  • Actes if, réseau régional Ile de France ;

  • Hybrides, réseau régional Bretagne ;

  • CRLii-Occtianie, Coordination régionale des lieux intermédiaires et indépendants / Occitanie
  • l’UFISC, fédération d’intervention des structures culturelles ;

  • la FRAAP, fédération des artsites auteurs plasticiens ;

  • le SYNAVI, syndicat des arts vivants ;

  • Mix’Art Myrys, Toulouse
  • La Langue écarlate, Gimont 31

  • Le Théâtre des Minuits,

  • Théâtre Pochette/Remue-Ménage

  • Pol-n, Nantes

  • La Fabrique du Réel, Périgueux

  • Jeanne Barret, Marseille

  • Catalyst-Anis

  • Groupe A

  • Métalu à Chahuter

  • La friche Lamartine

  • Foncièrement communs !

  • Les Huit Pillards

  • Les Pas perdus

  • La Main

Et bien d’autres…

Pour traiter ces questions nous avons ouvert différentes tables de travail. Chacune a été construite par des acteur.rice.s issu.e.s des lieux intermédiaires et de leurs réseaux, depuis les problématiques qu’ils ont pu identifier sur leurs territoires, et les travaux qu’ils ont pu réaliser sur ces sujets.

L’enjeu de leur partage lors du 4è forum est d’abord la mise en circulation des ces savoirs produits en situation, dans une stratégie de capacitation des acteurs par la transmission pair à pair.

Le forum se construit dans son programme et son organisation de manière collaborative, à la manière dont les lieux intermdiaires fonctionnent. C’est pourquoi l’évènement se construit de manière ouverte et attentive à ce qui se trouve en chemin.

L’organisation et la programmation de l’évènement reste ouverte à toute personne volontaire pour y contribuer. N’hésitez pas à vous signaler à ce sujet via le mail suivant : cnlii@cnlii.org

CNLII

La Coordination Nationale des Lieux Intermédiaires et Indépendants (CNLII, cnlii.org), créée en 2014, rassemble aujourd’hui une communauté de 232 espaces/projets, de réseaux nationaux (Artfactories/autresparts, FRAAP, Synavi,  UFISC…), de réseaux régionaux (Aliice, Actes if, CRLII, Hybrides, Alim…).

La CNLII fonctionne elle-même comme un commun, depuis la charte d’engagement réciproque qui lie ses membres entre eux (cf cnlii.org). Des forums nationaux et des assemblées régionales sont organisés pour encourager et faciliter les échanges, produire des ressources en partage et participer au renouvellement des politiques publiques.

Association de fait, elle a pour cheville œuvrière Artfactories/autresparts (autresparts.org), plateforme de recherche et d’action pour la transformation des rapports arts/territoires/société.

Pour la CNLII,

Le Conseil d’Orientation

  • Elise Aubry, coordinatrice du 37è parallèle, Tours

  • Aurélie Besenval / Réseau Hybrides

  • Aurélie Berthaut – Jeanne Barret, Marseille, co-coordinatrice

  • Boizard Maria-Sophie, poln Nantes, chargée production collectif poln

  • Fanette Bonnet / Réseau Actes If

  • Patricia Coler, UFISC

  • Jules Desgoutte, Artfactories/autresparts, co-coordinateur

  • Julie Desmidt / Fraap / Ufisc / coordination@fraap.org

  • Jérôme Dupré la Tour / Friche Lamartine, Lyon – Plasticien

  • Claire Diridollou / Pol—n (Nantes) / Coordinatrice

  • Nancy Dutour / Théâtre Pochette/Remue-Ménage/Directrice artistique

  • Helene Mathon /La Langue Ecarlate Gimont/directrice artistique

  • Christian Mahieu / Catalyst-Anis/GroupeA/Metalu/chercheur

  • Joël Lécussan / Ex-Mix’Art Myrys/ Toulouse
  • Jean-Marc Nguyen / coordinateur de la Fabrique de territoire du Grand Périgueux / Projet Sîlot / La Fabrique du Réel, nguyen.jmarc@gmail.com

  • Stéphanie Noël, ALiiCe/Théâtre des Minuits/coordinatrice

  • Fred Ortuño, Afap, co-coordinateur

  • Clayre Pitot Bouillon cube / La Grange, co-coordinatrice

Pour marque-pages : Permaliens.

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